CH’TRIMAN 2012 : Un WE au PAARC de GRAVELINES

De retour de vacances 2011 je prends la décision de m’aligner sur format IRON MAN.

Le choix se porte vite sur le CH’TRIMAN. Je n’y vois que des avantages, la proximité immédiate et la possibilité de bien connaitre le site. En termes de logistique c’est carrément parfait, à 20mm de la maison. Question calendrier fin Aout est idéal, ni trop tôt dans la saison ni pendant les vacances en famille.

Mais tout commence mal, des douleurs persistantes dans le dos me laisse sur le carreau de la course à pied. Je passe l’hiver à consulter : aucuns signes visibles de troubles, pas d’explications, le doute s’installe.
Moi qui pensais faire une prépa spécifique avec Coach. Exit l’idée !
Mais Huggy les bons tuyaux en la personne de Benoit Valque, écrit un plan sur le Mag Triathlète. Son plan sera mon fil conducteur hors CAP. Merci BENOIT !
Je ferais plusieurs tentatives de reprises en Janvier et Février, les douleurs sont toujours là et je traine ma carcasse. Fin mars je dois même arrêter toutes activités sportives pendant 10 jours. J’ai 7 sorties CAP et 69km au compteur !
Avril, je retente mais je dois annuler en dernier recours ma participation au Duathlon de DOUAI. Impossible de courir. Un premier jalon de ma prépa qui saute.
Je pars totalement dans l’inconnu au Sprint de Dunkerque ; 5 km ça fait mal mais ça tient.
Puis 15 jours après à Troyes je passe le semi. Ouf ! J’en bave un peu mais le doute se dissipe légèrement. S’enchainent ensuite Bray-Dunes, la reco du Ch’triman avec le CD le lendemain.
Je gère, courses très limitées par les douleurs mais j’avance. L’idée motrice, c’est de tenir.
Je constate que l’enchainement est profitable. Dés lors j’évite les CAP seules et privilégie les séances vélo + CAP.
En Juillet je parviens à courir un peu plus convenablement.
Pour compenser, je mets le paquet sur le vélo. Je profite de tout pour grimper sur la machine. Un repas de famille, une invitation ici ou là, pour aller au boulot (110 km AR), tout est bon à prendre. J’ai tellement peur de ne pas tenir 180km.
J’allonge les sorties, 100, 120, 150, j’en profite pour tester l’alimentation et la boisson et les selles. Pas moyens de trouver la bonne selle sur le Cervélo. Je pense même courir avec le vélo de route. Puis un jour je pense à prendre l’Italia du vélo route sur le Cervélo. L’alchimie est la bonne. Je me rassure sur une sortie 179,79km en 6h02 fin juillet, la barre mythique n’est pas franchie. Je la laisse pour le Jour J.
Une sortie longue CAP 5 jours plus tard conclue le mois de juillet et me relance dans l’espoir.

C’est les vacances, j’alterne les plaisirs et jongle avec la famille pour casser les dernières séances.
Premier jour et premières gifles des vagues de l’océan atlantique, je perds ma montre.
Le lendemain, je file à vélo, à DAX me rééquiper.
Dés lors mes sessions vagues seront très limitées. Le bodysurf restera quasi au sec. La crainte de me blesser s’affirme, je reste tranquille.
Au programme de l’enchaînement principalement. Nat quasi tout les jours dans la piscine de 12.5m ! Puis quelques sorties longues en lacs.
La ligne de conduite sera bien souvent brisée, et quelques soirées seront plutôt sponsorisées par le pastis, la bière et le rosé pamplemousse. Mon pote Pascal ayant le secret pour me faire franchir le coté obscur de la force.
Puis c’est le retour dans le Nord. Les jeux sont faits.
Je reprends le boulot une semaine avant l’épreuve avec l’avalanche d’emmer… qui s’y rapportent.
Dernière séance de nat tranquille au Paarc. Je suis en mode cool. Faire du jus. Je soigne l’hydratation, l’alimentation. Je suis assez calme vis-à-vis de l’épreuve, pas de stress particulier.
Seules les conditions météo m’agitent le bocal. Je redoute le vent…

Samedi c’est un peu la folie.

Mon petit bonhomme fait son premier triathlon, une décision qu’il a pris seul et qu’il assumera. Au vu des conditions climatiques, il est déterminé à participer. J’ai peur pour lui.
Ca passe. Nat alternative en mode 3 nages, une transition en mode « je me fais habiller par l’organisateur Himself », un bon vélo et une CAP mode épagneul breton.
Il décroche une coupe en mini poussin !! Mais il est poussin. Une erreur !
Nous ne bouderons notre plaisir et surtout le sien de le voir monter sur les marches du podium et de brandir cette coupe si fièrement. Personne ne fut lésé puisque pas d’autres inscrits dans la catégorie. Et puis il sait lui même qu’il n’est pas un champion.

Puis viens le tour de Madame, inscrite sur l’épreuve découverte. Je passe mon temps à courir par ci par là, à expliquer ceci cela, à surveiller les kids, à filmer l’événement. Les rôles s’inversent, et je vis l’autre coté parent/supporter. Epuisant.
Dans les starting block, certainement inquiète sous ses airs désinvoltes, c’est parti. Nat un peu retenue, elle sort dans la moitié, transition éclair voir même un peu trop. Elle oublie les chaussures (Que ne ferait-elle pas pour gagner qq secondes). L’arbitre lui refuse le retour en arrière. C’est parti pour 10 bornes de VTT avec pédales version crampons de montagne. Cela me semble interminable et je souffre pour elle. Je crois dès lors qu’elle ne finira pas son unique participation. Retour au parc, toujours le sourire, CAP, toujours le sourire. Arrivée toujours le sourire ! Heureuse me dit-elle.      Aie !! Elle va finir par prendre une licence !

Apres le briefing, retour à la maison, je suis éreinté, vidé, assommé par la pluie, le vent et ma charge d’accompagnateur/papa/coach/caméraman.
Je mange en vitesse et finalise mes derniers préparatifs.
Je dors seul et pas bien. Des débuts de crampes aux mollets m’ont tenu éveillé une partie de la nuit.
Manquait plus que ça. Je croyais en avoir terminé avec ces soucis. Pas une crampe depuis 7 ou 8 mois ! C’est l’angoisse qui s’abat brutalement, une sourde inquiétude.

5h15: Pour une fois je parviens à déjeuner sereinement avant une épreuve. Tout passe bien. Elhadj arrive, nous partons dans le timing, le cœur léger.
6h00: Le parking est déjà plein, c’est l’effervescence. Qui prépare sa boisson à la lueur d’une frontale, un autre se change entre 2 portes. Nous partons tels des insectes vers les halos des éclairages du parc vélo, irrémédiablement.
117 sur la cuisse et le bras, la bête est marquée. Bonjour Christian, Yannick, Fred…La chaleur humaine, des échanges rapides comme si le temps nous manquait. Arnaud arrive au taquet.
6h50: Les chariots de feu emplissent l’air. Les flashent crépitent. Une charge électrique en montée progressive.
7h00: PAN ! Les fauves sont lâchés.

Quel bonheur, je nage avec aisance, je ne sens fort. Je savoure ce plaisir immense, sans forcer le rythme est là. Je glisse dans l’eau, les flotteurs jaunes ou rouges défilent. Je remonte, mon entrainement était le bon. 500, 1000, 1500, virage.
Et puis le clash. Les orteils se raidissent, la jambe se tend. Les bras s’arrêtent.
Bonjour Mesdames ! De veilles connaissances me font leurs hommages du jour et s’invitent au bal.
Désormais je le sais le chemin sera une lutte constante contre les crampes. Une gestion permanente de l’effort, aux limites musculaires. Un pied sur l’accélérateur et l’autre sur le frein.
Le retour sera l’inverse de l’aller, un seul objectif sortir de l’eau et faire le point.
Je rampe puis je reste étendu, luttant contre les crampes. Je n’irais pas plus loin. Le verdict ne parait inévitable. Ma jambe ressemble à un arc en pleine tension. Il me reste tant de chemin à parcourir.
Après plusieurs minutes, je parviens à me redresser.
J’essaie. Je n’ai jamais abandonné. Ce ne sera pas aujourd’hui.
Neuf mois que j’y pense et il faudrait que tout s’achève là, bêtement sur une rampe de mise à l’eau.
non   Non    NON   NON
Lunettes, casque manchettes, coupe vent…en route pour 180 bornes.

Fred me double comme un avion de chasse, Yannick ne serait pas très loin derrière.
Timmer réglé sur 10’, je bois. Je mange toutes les 45’environ, j’ai planifié les secteurs et je tiens scrupuleusement mon roadbook alimentaire. 1 tour, puis 2 puis l’usure du vent, les crampes me tiennent fidèlement compagnie, impossible d’appuyer sur les pédales. Je souffre face au vent.
Le temps défile, le paysage et les visages aussi, bénévoles, curieux, supporters, amis, famille…
Bonjour ! Bravo ! Merci ! Allez Allez !! Courage ! 
Yannick me rejoint au 3éme passage de Watten. Nous unissons nos efforts pour cette ultime longueur.

15h26. Retour au parc. Je suis prêt à en découdre, le changement m’insuffle un regain d’énergie et je piaffe d’impatience en attendant Yannick. Nous avons décidé de courir ensemble si possible. Je ne sens pas cette lourdeur habituelle, je prends rapidement un rythme et je commence à doubler des concurrents.
La traversé du fossé est fatale. Arrêt immédiat. Crampe Ischios.
Il faudra faire avec, réduire la foulée, éviter de lever les jambes. La promesse d’une ballade version « traîne savate ».
Demi tour sur la plage, je contrôle, je ne lâche rien, je ne rate pas un ravito. Je marche sur le ravito puis je cours pour rejoindre le suivant. Une quête inlassable, pourtant ils se ressemblent tous ces ravitaillements, alors pourquoi ?

L’arrivée sur le tour du bassin me fiche le bourdon. Fissure dans le mental, je n’y crois plus c’est trop long, trop dur. Ah, ces fichues crampes me minent de l’intérieur.
« C’était ton rêve, ne t’arrêtes pas là ! » me dit David V : une lueur.
Je rallume la chaudière, passage en pilotage automatique, déconnexion des fonctions optionnelles, activation des écrans protecteurs, mise sur mode orbite vitesse lente avec économie d’énergie.
Yannick est revenu dans mon voisinage galactique. Nous émettons en fréquence courte.

Un ravito, on marche puis on recourt jusqu’au suivant, puis on marche, puis…
Nous croisons avec bonheur toutes ces têtes connues, un clin, d’œil une tape dans la main qui prolongent ce contact avec l’autre monde des vivants

Retour sur le dernier tour de bassin. Cette fois ci c’en est fini. Je sais que je vais finir mais en marchant. Fini les repères de temps.
Yannick est devant, il marche plus vite que moi. A chaque fois il faut que je coure un peu plus pour le rattraper.
« Va y Ludo ! Tu peux finir avec Yannick, il est là, juste devant, 300m ou 400m. » Merci Pascal.
J’enclenche la réserve. Je bassine le fond du réservoir. Je puise, épuisé.
Marcher sera trop long, j’en ai marre, plus vite fini, plus vite…
Je me marcherais plus.
Au passage je rattrape Yannick au ravito, je lui dis mon objectif.
Il reprend ma foulée, puis marche.
Je vois le bout du tunnel, là-bas au loin.
1750, 1500, 1000, 750, 500…. Puis les visages familiers, les sourires, les mains qui se tendent les encouragements. Je sors de cette semi-solitude.

Voila j’y suis. J’entame l’entrée sur le tapis, je prends mon temps, je me délecte de ce moment, je le vis au ralenti, j’imprime les images, ma famille est autour de moi. Quel bonheur.
Je m’arrête, je m’appui sur les barrières sous le regard médusé de ceux qui me connaissent.
C’est incroyable ce sentiment de bonheur, je suis à 3m, mon horloge personnelle s’est arrêtée. Le temps n’existe plus. Je n’ai plus de douleurs.
Yannick arrive, je peux passer l’arche.

13h26’26.
Finalement l’horloge n’a pas grande signification, le temps ce sera peut être pour une autre fois.
Quelques embrassades avec mes proches, Cat, mes kids, mes parents grands supporters.
J’atterris lourdement. Je vais payer l’addition cash.

Fin de bal au poste des bénévoles de la protection civile.
Une perf en guise ravito final, une civière en guise de table de massage et une couverture de survie en forme de maillot Finisher. Je rentrerai tard chez moi.

Une putain d’aventure! Aucuns regrets que du bonheur.
Je ne sais par encore dire si je le retenterais un jour.  Mais…

Ludo