L’Embrunman, récit de l’arrière

Il est 6h00 et me voici au départ de l’Embrunman, ce qui représente déjà pour moi une première victoire. Etre là, dans le parc à vélo à enfiler ma combinaison, aux côté de Yannick et Guillaume, me paraît surréaliste.

J’ai eu connaissance de cette épreuve, au détour d’une conversation il y a environ 3 ans. Pour une raison encore inconnue, et l’alcool aidant sûrement, j’ai lancé un soir mon ambition de boucler cette épreuve, alors que non seulement je ne sais pas nager mais surtout que j’ai la phobie de l’eau.

Pendant deux ans, je me suis donc astreint à aller à la piscine au moins 3 fois par semaine. Au bout de six mois aucun progrès, impossible de dépasser les 25 m de crawl. Dès que la tête se trouve  sous l’eau je suis pris de crise d’angoisse. Ma mère a dû m’oublier dans le bain quand j’étais bébé !!.  Puis malgré des périodes de découragement, progressivement  et tout doucement les progrès se font ressentir. En juin 2009, premier 100 m bouclé en …..3’15’’ et en décembre 2009 premier kilomètre en crawl bouclé en 30’, heureux comme un gosse même si je me faisais doubler par de nombreux brasseurs ! Un calcul rapide m’amène donc à 1h54’ pour les 3800m, soit un temps inférieur au temps éliminatoire de 2h00. Le moral est au zénith et je commence réellement à y croire. Il me reste 8 mois pour améliorer le style et la performance (sachant que je compte également sur la combinaison pour me donner un petit coup de main). Je m’imprègne des différents témoignages sur le site du TL pour y puiser de l’énergie avec la ferme intention de pouvoir, moi aussi, y témoigner avec fierté  (à mon très humble niveau) après le 15 août.

De janvier à juillet, je continue mon rythme de 3 entraînements  par semaine à la piscine et  à partir du mois d’avril je commence à sortir le vélo. Je laisse, par contre, un peu de côté l’entrainement de course à pied, faute de temps et me disant que le marathon se jouerait de toute manière dans la tête.

Et donc voila, j’y suis. Je suis bizarrement assez serein et ai confiance en moi. Ma femme, mes 4 enfants, mes amis, mes collègues du boulot m’ont tellement envoyé de messages de soutien que je ne peux échouer.  J’ai bien évidemment une forte appréhension pour la nage mais ai des certitudes pour le vélo.

Le départ est donné et je me jette avec détermination dans l’eau noire. Et là, catastrophe, au bout de 25m je suis rattrapé par ma phobie que je pensais avoir guérie. Au bout de 2 mouvements de crawl, je n’arrive plus à respirer. Tout se bouscule dans ma tête avec notamment des idées d’abandon en faisant demi-tour vers la berge. Je me mets donc sur le dos sans bouger pour me calmer, en me disant que je ne peux pas arrêter là. Cela serait trop ballot ! Au bout de 2’ (qui m’ont paru une éternité), je repars tranquillement en crawl loin derrière la meute. Et là, le miracle.  Je ressens des sensations que je n’avais jamais ressenties. Je suis super facile et je rattrape un paquet de concurrents. Le plaisir est immense et suis presque déçu que cela soit déjà terminé au bout des 3800m. Résultat : je sors de l’eau en 1h14’ (grosso modo au milieu du peloton). Je n’en crois pas mes yeux. J’avais prévu au mieux 1h40’. Ma femme et mes enfants hurlent au bord du parc à vélo. Je sais désormais que je finirai cet Embrunman. Rien ne pourra m’arrêter maintenant. Je suis largement en avance sur mes prévisions et ai éliminé tout risque de me faire rattraper par la voiture balai.  Après avoir pris le temps pour me changer et m’alimenter, Je décide donc de faire la partie vélo « en dedans » pour économiser mes forces, ne sachant pas comment mon corps « d’athlète » allait réagir après 9 h d’effort.  Je n’ai pas non plus beaucoup travaillé les transitions vélo-CAP. J’ai du faire en tout et pour tout 3 footings de 30’ après des sorties vélo.

Du coup, le vélo me parait facile. Je grimpe en moulinant un max sans forcer. Je profite des paysages et de l’ambiance. Seul souci, j’ai un peu de mal à m’alimenter. Seules les bananes et l’eau passent. Je boucle le périple en 8h04’, ce qui n’est pas si mal surtout que je finis avec l’impression que je pouvais aller beaucoup plus vite.

Reste un marathon à faire, J’ai 7h00 pour arriver dans les délais. Le pari ne peut plus être perdu. Je décide de ne pas prendre mon chrono pour ne pas me stresser et de partir très tranquille pour essayer d’arriver dans un état convenable pour la photo finale. Pour ce premier Ironman, seul compte le titre de finisher. Pour les chronos, on verra après car je sens qu’il y aura un après tellement le plaisir est grand ! Dès le départ de la CAP, la stratégie d’économie sur le vélo prend  tout son sens. Les jambes sont lourdes et je sens qu’il faut que je gère au mieux les forces qui me restent pour ne pas finir comme un zombi. Dès le premier tour, je décide de marcher dans les montées pour économiser mon énergie. Je veux prendre un maximum de plaisir et profiter des spectateurs et de l’ambiance. Ma casquette sur laquelle chacun de mes enfants a cousu un doudou a beaucoup de succès

Le deuxième tour est un peu plus pénible. L’orage et des pluies diluviennes me trempent jusqu’aux os et forcément, il y a un peu moins d’ambiance au bord des routes. Je continue néanmoins mon bonhomme de chemin à ma toute petite allure (je ne savais pas qu’il était possible de courir si doucement !) mais en ayant toujours le sentiment de maitriser et de garder le contrôle de mon corps. L’arrivée se profile. Je me renseigne auprès des autres coureurs sur le temps. Je vais boucler l’Embrunman en moins de 15h00. J’aurais signé des deux mains au départ pour un tel chrono. Je franchis la ligne en compagnie de mes trois filles (mon garçon s’étant endormi dans les bras de ma femme). La joie est immense. I did it. I am an Embrunman. Je ne suis, de plus, non seulement pas dégouté du sport mais au contraire je ressens une forte envie de revivre ce type d’aventure.

Félicitations aux 4 autres finishers dont les temps me laissent rêveurs et me donnent envie de continuer à m’entrainer pour progresser. Merci à Stéphanie pour ces encouragements aux bords de la route. Merci à ma petite femme et ma petite famille pour m’avoir supporté et encouragé dans ce défi, dont les entrainements ont dû être intégrés dans des plannings très serrés. Merci enfin, à vous tous. Le récit de vos exploits m’a donné l’envie de connaitre moi aussi ces superbes sensations du triathlon.

Même si mon temps est très modeste, je suis fier d’avoir amené les couleurs du TL59 jusqu’à la ligne d’arrivée.

Je me projette déjà sur un prochain Ironman. Nice, le 26 juin 2011, semble tenir la corde.   Je devrai investir un peu moins de temps pour l’entrainement de natation (même si la marge de progression est forte) et je vais un peu insister sur la course à pied. Je referai également sûrement l’Embrunman dans quelques années (2-3 ans maxi) mais avec des ambitions chronométriques (moins de 13 heures me semblent jouables…)

A suivre………………..

Fred