Mon Petit Cheval de Troyes

La fatigue à raison de tout ? 

De retour depuis quelques jours de cette épreuve moyenne distance de TROYES, j’hésite à écrire. Entre lassitude, déception et fatigue, je ne ressemble en rien à un guerrier. Les images crépitent, les flashes s’allument. Je ne quitte pas ces souvenirs, mais le crayon reste en suspend dans l’air, rien ne viens sur le papier…

AVANT
On prépare, on cogite, on extrapole, calculs alambiqués et supputations de tous ordres.Je serai bien,   je peux le faire,    J’ai envie.     Ca va aller !    Et puis rien ne s’enchaine comme on l’imaginait. Les cailloux s’accumulent sur le chemin.Une douleur à la cuisse mi mai, j’arrête tout ne conservant que les séances de natation.  Ca va aller !Open de Dunkerque en forme de test.  Deux jours avant je ne pense même pas prendre le départ. Je finirais à l’économie, en roue libre la jambe droite en forme de clignotant.  J’accompagne une jeune fille sur  les 750 derniers mètres. Elle,  en larmes, sa mère (je suppose) sur le coté, tente de l’aider. Je la motive elle s’accroche et finira sur le podium.

Enfin l’objectif c’est TROYES et ce ne sera pas la même affaire.Tout est fait, inscription prise en Janvier, bungalow réservé et payé, congé pris, parents conviés…Il ne reste plus que la route.La fatigue s’est installée, avec 4 ½ journées de congés depuis Aout 2009. Je me sens un peu vide. Trop de pression professionnelle ces temps ci.Passage chez le toubib une douleur au crane qui s’éternise. Diagnostique névralgie faciale ? A suivre.Ca passe juste un avant le week-end.C’est décidé, j’y vais sans pression. Je ferais ce que je peux, au pire ce sera des vacances. Oublions les objectifs.Les bons sentiments de ce type là ne tiennent que dans les propos. Au fond de nous ils restent sous jacents. L’envie de progresser, l’envie de s’être  dressé meilleur que la veille.

VENDREDI.
Début d’après midi, c’est le départ. La petite famille est en voiture sous un chaud soleil. Ca ressemble aux vacances. Nous croisons les OBEIN plusieurs fois.  Même direction, petits signes et coup de klaxons.Mes parents nous attendent, leur camping car devant notre bungalow.On passe rapidement à table et en forme de décompression nous taquinons le petit vin marocain, ramené de leur dernier périple.

SAMEDI.
Je pars avec les enfants faire une reconnaissance  en vélo des bords du lac. Nous sommes situés en face du théâtre des opérations. On aperçoit les bouées et on entend  le souffle de la sono. Hélas, le barrage d’amenée des eaux de la seine est condamné. Impossible de nous rendre à Lusigny sans emprunter la route nationale.Quelques longueurs dans la piscine, j’essaie les lunettes. Ce sera les noires. J’ai le souffle court. Je fini ma séance dans les toboggans.Vers 16h00 je j’enfourche le vélo, direction le retrait des dossards. 15km par la route nationale. Sur place l’épreuve sprint se termine. Je devrais ressentir des frissons une certaine excitation. Pas grand-chose, je repars rapidement. Sur le retour je croise Yann et Stéphanie. Il fait ils ont l’air serein, en discutant je constate que je n’y suis pas du tout.De retour, j’embraye sur  15 minutes de footing histoire de réveiller l’organisme à l’enchainement. Demain ce sera plus long. Je prépare quasi tout le soir. Il me restera à déjeuner.La nuit ne fut ni longue ni tranquille.

DIMANCHE.
Un sentiment d’entre deux. Ni dans le coup ni vraiment dehors. Je mange sans nœuds au ventre, mais je ne parviens pas à finir le GATEAU. Je file je suis en retard.Du coup je suis sur le parking le plus loin. Rien de graveTiens !  Bonjour ! C’est Gille REBOUL, mon voisin de stationnement. Trop cool il ne me pose pas de question sur mon vélo de Facteur.Petit échauffement sur cycle. J’hésite entre sac et caisse. J’opte pour le sac alors que j’avais tout préparé en caisse.Passage au contrôle. 195 sur la jambe et l’épaule. La bête peut entrer au parc. Ce sera bientôt l’abattage.Il fait chaud. Ca va aller !Quelques longueurs sont bien venues. Top départ les féminines se jettent à l’eau. Dix minutes plus tard c’est notre tour.Premier tour sans vraiment de chahut mais impossible de poser une nage en 3 respi.  Je suis court.J’améliore au second, pas plus vite mais plus maitrisé. Je sors assez frais, pas étourdis. Transition assez efficace pas de crampes en retirant le néoprène.C’est parti pour 3 tours.Les souvenirs d’objectifs reprennent surface. Attention il faut gérer pour finir.1er tour correct, je bois, je pédale rond, je n’appuie pas.2éme tour le vent se lève le ciel s’assombrit.  C’est la nausée au pied de la butte de DOSHES. Je bois  je ralentis.  Ca passe.  La pluie s’invite sur le parcours c’est la folle rincée, plus un poil de sec.3éme tour. Fringale, je dévore la banane que j’avais dans le dos.Retour au parc. Pas de crampes.  Super.Les objectifs prennent corps, le chrono refait  parler de lui. C’est possibleJe m’élance sur la route, je gère le premier et j’accélérerais au second.Fin du premier tour je passe devant ma petite famille. Je les aperçois en contre bas de la digue.  Encore quelque centaine de mètres et je courrais à coté d’eux en route pour le dernier tour.Et là tout s’arrête au moment même ou je les approche alors que j’imagine l’enthousiasme renaissant. La tour de contrôle cesse toute émission. J’ai envie de tout lâcher. De marcher tout simplement,  de prendre la main de mes enfants,  d’enserrer ma compagne. De m’allonger dans la prairie fleurie. De stopper pour regarder immobile l’agitation du monde, l’agitation des autres.Il est inutile de continuer puisque je reviendrais au même endroit tout à l’heure. Au temps que ce soit maintenant.

Ne pas Abandonner !   Ne pas Abondonner !  Ca va aller !

Je n’ai pas encore abandonné.Je continu.Après 3 kilomètres je stoppe complètement au ravito.  Je marche. J’ai froid, j’ai mal au ventre. Cette pluie m’a glacée. Je repars. J’arrête. J’alterne entre résignation et découragement. Il faut que je rentre. Je n’ai plus de force, je suis vide physiquement et mentalement.Mon temps s’arrête, le chrono continu sans moi. Les coureurs me dépassent. Je n’ai plus d’emprise sur moi.
Une petite voix derrière moi
–   Allez, il te reste 4 km. Accroche-toi à moi
–   Je n’en peux plus
–   Si ! Essaie. Suis-moi.
Et je repars, je m’accroche à cet inconnu qui a trouvé le levier, le bouton de redémarrage. Je m’accroche à ces quelques mots de réconfort. Lui qui était surement aussi mal que moi. Il s’arrêtera un peu plus loin. Quand ce fut mon tour de le motiver, de lui renvoyer l’ascenseur, il me répondra simplement qu’il prenait le temps d’en profiter.
A 1.5 km je re-craque.
Un nouveau propulseur me remet sur le rail, sur l’orbite lobotomisée.
Je vois l’arche finale. Mes petits viennent à ma rencontre. Ils me traîneront jusqu’au finish.
Je m’arrête les mains couvrant mes yeux d’où ne tarde pas à monter les larmes. Des larmes d’usure pas vraiment celle de la joie. Je ne veux pas leur montrer ce spectacle. Je sais que ces instants pénibles d’adultes ne durent pas, mais que la mémoire de l’enfant est profonde.
Je reprends pied, ma famille m’entoure fièrement. Je suis finalement le seul déçu.
Nous rentrons sans oublier au préalable de retirer la fameuse bouteille de champ des finishers. Ce sera pour une autre occasion. Ce soir là je n’en avais pas le goût.

Je rentre avec  un énorme bleu à l’âme. Pas mieux que l’année dernière, pas pire. Plus dur.

Ludo