Embrun 2008

Ah Embrun…, qui n’a jamais tremblé en s’imaginant terminer cette épreuve dont le tout le monde parle et qui se fait appeler « le triathlon le plus dur du monde ».
 Je pensais avoir vécu l’enfer après Nice, un marathon en 5 heures et 20 minutes, une hypoglycémie à vélo, des crampes abdominales pendant toute la course à pied, à vrai dire je me sentais redevable vis à vis de mon entraîneur de finir une épreuve longue distance avec le sentiment du devoir accompli. Il restait Hawaï et Embrun or j’ai eu la tristesse d’apprendre que je n’étais pas qualifié pour la première épreuve. Je me suis donc rabattu sur la seconde en restant persuadé – contrairement aux dires d’odieux jaloux rencontrés à la piscine Léo Lagrange – que je pouvais enchaîner sans trop de problèmes les deux courses sans effets secondaires. Me voilà donc inscrit pour The Race et il me tarde d’en découdre avec le très actuel Li Zoard… En fait le vélo me fait peur, je traîne sur internet, lis et relis les chroniques d’anciens galériens et mon coeur se serre en compulsant les pourcentages des pentes qui m’attendent, 23%, 15%, 11%,… tout le monde a l’air d’en avoir chié et c’est un euphémisme! Je pars donc en compagnie de ma tendre et chère et de mon cadet Julien qui n’a pas eu la chance, contrairement à son grand-frère Théo, d’avoir passé une finish line avec son papa. J’espère qu’il ne sera pas venu pour rien. Je vous passe ma sempiternelle poisse en termes de locations (…) et passe directement au jour de la course. Lever 4h, l’orage plombe le réveil et l’ambiance, je me dis secrètement que Iacono, l’organisateur de l’épreuve, ne laissera jamais partir 1100 gogoles sous un orage démentiel qui aura finalement réussi à noyer le parc à vélo. Allez 5h, je vais faire un tour et je vois qu’en fait, tout le monde est là, la pluie ne fait peur à personne, la frénésie parcàvélostique m’envahit et je retrouve mon ami Damien Mathieu concentré et affairé comme jamais, à régler les moindres détails de son équipement. J’avoue que je me sens comme un touriste, la preuve, je n’ai même pas vérifié l’état de mes freins, ce qui aura une incidence non négligeable lors de l’étape cycliste. Bref, à 5h50, les filles entament leur périple, suivies 10 minutes plus tard de la course des hommes, la course des vrais. La natation se passe comme celle de Nice, la nuit rajoutant un peu de piment à la trempette, je sors en 1h08′ dans le milieu du classement. Je rejoins tout étonné Damien, encore dans le parc, cherchant désespérant ses chaussettes dans son sac poubelle et proférant à son encontre des insultes dont je tairai la nature. Je prends un soin tout particulier à choisir ma tenue car il faut gérer le froid matinal, la chaleur montante, le froid du col d’Izoard et la pluie prévus dans la seconde partie du parcours cycliste. Après un arrêt de 8 minutes au stand, c’est parti pour la bicyclette. Les côtes se suivent (et ne se ressemblent pas), je gravis inlassablement à mon rythme les difficultés tranquillement en me persuadant que je fais bien de ne pas me fatiguer avant le col de la mort. La première heure voit passer 18 kilomètres puis je trouve mon rythme de croisière lors des deux heures suivantes à 25km/h. Arrive alors l’ascension qui est loin d’être une fête croyez moi (…). Je peux enfin mettre une douleur sur ce que j’ai lu des semaines auparavant.

Finalement, ça se passe bien, je pense bien de temps en temps à mettre le pied à terre mais je tiens le coup et j’arrive tout en haut du ch’terril (99km) après 4h30 de vélo. Je m’arrête pour faire pipi et récupérer mon sac ravito, je ne traîne pas en route et me mets à descendre (aprés l’avoir montée) la grande dame. Et c’est là que ça se gâte, couic, couic, couic, mon frein arrière ne sert (serre?) plus, ça craint! En plus, la pluie s’invite comme prévu et c’est le frein avant qui trinque. Passé la descente un orage s’abat violemment sur la gorge que je longe, les éclairs, la grêle, des rafales de vent qui me rapprochent dangereusement du bord, je pense sincèrement à me réfugier dans les petites cabanes qui longent la route mais tout est bondé, mes prédécesseurs ayant eu la même idée que moi. Alors je continue, je me dis que ce sont des places de gagnées. J’arrive à Briançon et je suis trempé, je tremble de tout mon long, j’ai froid comme jamais. Il reste 4 difficultés dont Les Vigneaux, Pallon, Champcella. Après les avoir tant redoutées, elle m’apparaissent finalement comme salvatrices, je me dépouille, j’attrape chaud et ça me fait un bien fou. Arrive alors le retour en Embrun et il reste 15 kilomètres! Gros coup au moral de repasser par la case de départ (sans toucher les 20000) et de finir par Chalvet, petit village haut perché haut dessus d’Embrun qu’il faut atteindre coûte que coûte, ça me prendra encore une heure. 8H20, c’est le temps qu’il m’aura fallu pour terminer les 188 kilomètres à vélo dont 5000 mètres de dénivelé. De retour au parc à vélo, je me dis que ça le fait, je vais finir la course dont tout le monde rêve, reste à savoir quand… Sur les bases du 9km/h (le marathon offre 450 mètres de dénivelé), je progresse, inlassablement, alternant marche et course, tomates au sel et boisson énergétique, ça va le faire, ça va le faire. Je rencontre ma belle au 15e kilomètre, pratiquement 10 heures après l’avoir vue au départ du vélo, elle est avec Julien, elle a l’air fière, je suis heureux comme un gamin.

Je continue, je persévère, les kilomètres deviennent de plus en plus longs et douloureux, mes quadri ont maaaaal. Pourtant, des moments sympas viennent ponctuer la course, le passage dans le vieil Embrun, la traversée des campings, des encouragements venant de partout, allez le ch’ti, allez Beurg, allez Dunkerque, on prend tout ce qui traîne, on fait pas les difficiles! A 3 kilomètres de la fin, la nuit commence à tomber, je vais le faire, je vais le faire, il reste un tour de lac et le moment tant attendu arrive, la ligne droite, Audrey me donne Julien, je cours avec mon gamin sur les épaules et je souris, j’ai envie de pleurer mais ça ne vient pas, c’est fait, ça y est je l’ai fait, je passe la ligne en 14h28′. Mon épouse est là, elle est fière, fière, elle me dira qu’elle ne me pensait pas capable de finir, ça va être ma fête ce soir!

Finalement, elle est chouette cette course, bien plus belle à mon goût que Nice car plus authentique, plus dure et je ne recommanderai que celle là à tous les gens qui souhaitent s’initier à la longue distance, ne faites pas de complexes, tentez le coup, cette course vous changera pour toujours.

Saint-Bernardus