Ironman de Nice: Ma leçon d’humilité

L’Ironman de Nice restera pour moi une terrible expérience même si avec le recul et le temps le titre de Finisher me paraitra sûrement pas si mal.

Un nouveau boulot démarré sur Lille en janvier m’ayant accaparé pas mal de temps, j’étais conscient que mon entrainement était peut être un peu léger (8h/semaine avec des sorties maxi de 2km en natation, 120 km en vélo et 15 km en cap). Je prenais néanmoins le départ confiant et avec l’ambition de réaliser aux alentours de 12H15 (1h20 nat + 6h15 vélo + 4h15 marathon + 20’ Transition).
Je me sentais en forme et prêt à me dépasser. J’étais arrivé sur Nice depuis le mercredi et avais pu me rassurer en nage.

Me voici donc sur la ligne de départ de mon deuxième triathlon (après Embrun l’année dernière), motivé comme jamais. Ne voulant pas participer à la bagarre de début, je décide de me placer complètement à gauche pour nager avec tranquillité. La nage se passe sans trop de souci même si je pense avoir fait quelques mètres de trop. Je sors de l’eau en 1h19’, ce qui est proche de mon objectif. Je suis vraiment satisfait au vu des difficultés rencontrées pour apprendre à nager. La transition se passe correctement même si il y a beaucoup de monde et que j’ai du mal à retirer ma combi et trouver une chaise (mais je n’avais qu’à nager plus vite !). Je prends le départ vélo après 1h27’ de course, tout va bien. Le parcours est superbe. Les jambes tournent correctement et je ne souffre pas trop de la chaleur. Je réalise les descentes avec grande prudence ayant dépassé plusieurs coureurs ayant violemment chuté, ce qui a freiné mes ardeurs. Je profite du superbe parcours, très varié et présentant de très beaux points de vue.

J’arrive donc sur la promenade des anglais, en ayant l’impression d’être frais, après 6h22’ de vélo (grosso modo ce que j’avais prévu). Transition tranquille et me voila parti pour le marathon plein de certitudes. Cela va faire 8h00 de course et je me dis que, sauf catastrophe, je vais être sous les 12h30.

Et là, après seulement 2 kms, une terrible défaillance complètement inattendue (ou tout au moins pas si tôt) : la tête tourne, les jambes tremblent et je suis vidé de toute énergie. Je m’accroche un peu mais me mets rapidement à marcher. La tête lâche. Le soleil et la chaleur, que j’avais à peine remarqués jusque là, me font terriblement souffrir. Mes bras et mes épaules sont en feu et ai du mal à respirer. Je finis la première boucle quand Guillaume me dépasse en me donnant une petit claque sympathique sur l’épaule pour m’encourager. Je le vois franchir la ligne dans un temps canon avec son enfant dans les bras. Cela me redonne un peu le moral mais rapidement le côté obscur de l’esprit reprend le dessus. A la fin de la deuxième boucle, je m’arrête près de ma femme et mes enfants, m’assois et les informe que je ne vais pas terminer. Ils essayent de me remonter le moral en me disant de continuer même en marchant. La détresse que je lis dans leurs yeux me permet de reprendre mes esprits : Un ironman ne s’abandonne pas et  je reprends donc mon chemin de croix.

Ma  longue galère se poursuit. Le plaisir est absent. Je pense à ma famille pour m’accrocher et à une jeune amie de mon épouse décédée brutalement à 35 ans la semaine précédente.
Je me répète que j’ai une chance inouie d’être là sur la promenade des anglais, que je suis un privilégié et qu’il faut que je profite de ces instants. Malgré cela, les périodes de marche sont très nombreuses. Je n’arrive pas à aller au-delà de la souffrance. Ma tête est définitivement HS.

Je poursuis néanmoins et enfin j’aperçois la ligne d’arrivée. Mes enfants sont euphoriques, crient leur joie et j’éprouve quand même un grand moment d’émotion quand je franchis le porche.
 Pendant quelques instants, la fierté d’être de nouveau un ironmam et la joie devant le bonheur de mes proches surpassent la désillusion chronométrique.

Avec le recul et l’euphorie de l’arrivée passée, la déception a repris le dessus. Autant à Embrun, j’ai l’impression d’avoir réalisé une performance conforme à mon niveau du moment, autant à Nice je reste persuadé que j’aurais dû réaliser beaucoup mieux. Cela est très frustrant car je sais qu’il me faudra attendre un an pour recommencer.

Je retire trois leçons de cette expérience :

  1. Ce type d’épreuve ne s’improvise pas et il faut un minimum d’entrainement pour relever correctement le défi. Mes 8 heures par semaine étaient insuffisantes au vu de mon niveau et aptitudes personnelles
  2. Dans l’adversité, il faut s’accrocher et ne jamais renoncer car cela doit laisser une sensation encore plus amère.
  3. La fierté de mes enfants est ma plus belle récompense

Je vais essayer rapidement de me reprojeter vers de nouveaux objectifs. Sur le court terme, je pense faire un marathon en octobre avec l’ambition de battre mon record et me rassurer sur ma capacité à courir à un niveau correct.

Je vais réfléchir également à un nouvel ironman en 2012 : Barcelone, Lanzarotte, Roth ou Zurich. Je voudrais réaliser une performance chronométrique digne de ce nom et des couleurs du TL avant de me lancer dans un nouveau défi qui commence à germer dans mon esprit : La diagonale des fous pour mes 45 ans.

Fred